Friday, December 09, 2005

Chapitre 80 (dernier) - Dix ans après...

Les jours, les mois, les années ont passé… Cela fait maintenant dix ans que l’Imperator a étendu à la France entière l’Ordre Nouveau tradilandais. A la France entière et à une bonne partie de l’Europe d’ailleurs. La Belgique a cessé d’exister : la Flandre est un état satellite de la France dirigé par un régime rexiste allié, la Wallonie a été purement et simplement annexée. Le pays a été totalement réorganisé, les jours fériés ont été modifiés, les départements et les régions supprimés et remplacés par des « provinces ». L’épuration est achevée depuis 4 ans, les derniers camps de prisonniers ont été fermés et le pays totalement repris en main. De ce qui était jadis l’ordre ancien, il ne reste plus rien. Les anciennes valeurs, les vieilles références, les modèles surannés n’ont plus cours. L’école, les médiats, la culture diffusent un nouveau modèle de société. Et comme sous l’ancien régime, à 95 %, les gens y adhèrent plus par passivité que par conviction.

Nous étions le jour de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. L’immense tour de l’hôtel Concorde-Lafayette recevait les délégations de journalistes et de personnalités étrangères venues constater le nouveau visage de la France après 10 ans d’ordre nouveau. Voulant, selon ses propos privés « donner une gifle aux pisse-copies du monde entier », l’Imperator avait voulu qu’une ambiance 1930 soit diffusée dans l’hôtel, rêvant de faire de ces jeux l’équivalent de « Berlin 1936 ». Un orchestre de jazz jouait un vieil air de l’époque, le tout-Paris s’était habillé comme dans les Années Folles : femmes aux longues robes couleur crème, colliers de perles, fume-cigarettes pour celles qui fumaient, chapeau cloche ; hommes en tenue de gala avec haut-de-forme et gants blancs. On y buvait les cocktails de l’époque et les quotidiens avait repris pour la journée la mise en page et l’aspect des journaux de l’époque. Seuls les membres de la police politique n’avaient pas eu besoin de changer leur gabardine de cuir noir : elle ressemblait tellement à celle de la Gestapo… Ces derniers se faisaient d’ailleurs de plus en plus présents, car après la normalisation du pays, les troubles internationaux avaient amené une réorganisation totale de l’armée et de la police qui devaient partager leurs prérogatives avec le Parti. Ce dernier avait sa police, le Commissariat Politique, et son armée, la Garde Noire, véritable garde prétorienne portée en temps de paix à 38 régiments venus de toute l’Europe sous le commandement du maréchal Pacq. Le Saint-Empire est en paix depuis seulement 20 mois et la fin de la campagne de Russie, enfin plus exactement de l’intervention de ce dernier dans la guerre civile russe. Le Saint-Empire s’étend maintenant de Lisbonne à Vladivostok. Les mauvaises langues l’appellent « Eurasia ». Cette Eurasia est, comme il se doit, en rivalité avec « l’Ocenia » et « l’Estasia ». Mais, à la différence du livre prophétique d’Orwell, les régimes politiques étaient différents et se regardaient tous trois en chien de fusil. La guerre pouvait éclater n’importe où : en Indonésie, en Asie Centrale, en Afrique, en Amérique du Sud. Et la guerre froide pouvait se transformer n’importe quand en guerre chaude. Ce n’était pas une « course aux armements », non, on «réorganisait », on «complétait », on « mettait aux normes »…

Le porteur de la flamme devait venir de Neuilly, traverser l’avenue du Maréchal Pétain (anciennement de Gaulle), franchir la Porte Maillot et remonter vers les Champs-Élysées via l’avenue de la Grande Armée. Plus de 400.000 Parisiens se massaient le long du passage de celle-ci, derrière les grilles et le cordon de la Milice. Pour amener le symbole des jeux à son ultime destination, le ministère des Sports avait désigné le héros de l’Olympiade de New-York, Ghislain Courrèges, 29 ans, capitaine dans la Garde Noire, médaille d’or de décathlon et du saut à la perche. Il reçut le relais à la limite entre les deux villes et s’avança à petites foulées vers ce qui était redevenu la plus belle avenue du monde sous une haie de bras tendus et escorté de deux motos du peloton motorisé de la Garde. Place de la Concorde, Rue Royale, Place de la Madeleine, Grands Boulevards, Avenue de la Madeleine, Avenue des Capucines, Boulevard des Italiens, Rue Drouot… Les quartiers chics de Paris avaient retrouvé leur splendeur d’avant les années soixante et la politique familiale du gouvernement avait permis aux familles avec plus de deux enfants de revenir dans ces quartiers d’où la spéculation immobilière des « bobos » les avaient chassés…

Rue Lafayette, Rue du Faubourg Saint-Denis, Rue Strasbourg Saint-Denis, Rue Philippe Henriot (anciennement Marx Dormoy), Rue de la Chapelle, Avenue de la Porte de la Chapelle, Avenue Jacques Doriot (anciennement Avenue du Président Wilson). La flamme remontait vers ce qui était jadis les quartiers cosmopolites de la capitale, enfin, cosmopolites, façon de parler : il n’y restait plus beaucoup de blancs à partir de l’an 2001… Les accords passés entre Paris et les diverses capitales du Tiers-monde avaient permis le rapatriement des colonies de peuplement dans leurs nations d’origine. Les splendides immeubles haussmaniens récupérés dans un état de crasse et d’insalubrité innommable furent rénovés pour permettre aux familles chassés de Paris avant-guerre d’y revenir. Le XVIIIe arrondissement fut ainsi rapidement celui des familles nombreuses, et les XIXe et XXe redevinrent les quartiers populaires des titis et des poulbots. Les petits commerces y avaient fait un retour en force depuis la nationalisation des réseaux de distribution et la disparition progressive des supermarchés et des hypermarchés, remplacés par des coopératives. Les tribunaux de l’épuration économique avaient confisqué les biens de toutes les grandes chaînes, accusées de collaboration, relançant ainsi le petit commerce et les emplois qui allaient avec mais également libérant la paysannerie du pillage de sa production par les requins des centrales d’achat. De toutes les classes sociales, c’étaient l’atelier et la boutique qui soutenaient le mieux le régime. Les campagnes et la classe ouvrière ayant vu une amélioration notable de leur sort, s’étaient également attachées au nouveau régime. Plus réticente, la bourgeoisie faisait profil bas, la peur d’une confiscation des biens les rendant fort amènes….

Le porteur de flamme fit son entrée triomphale au Stade de France sous une pluie de fleurs lancées par les enfants des petites classes des deux écoles d’élite de garçons, Saint-Michel et Saint-Bénilde et par les deux écoles de filles, Saint-Anne-de-la-Providence et la Maison d’Education de la Légion d’Honneur qui avait regagné une ville de Saint-Denis qui avait perdu 60 % de sa population d’avant-guerre et dont l’artère principale s’appelait désormais « avenue Jacques Doriot ». Devant la vasque olympique, il plaça la flamme dans sa main gauche et du bras droit, effectua le salut tradilandais (ou olympique, ou fasciste, ou romain, selon vos goûts) devant les caméras du monde entier. Puis il plaça la torche dans son réceptacle et les Jeux furent déclarés ouverts. L’Honorable Monsieur Malard, Ministre des Sports, avait assuré l’Imperator de la possibilité de réussir ce que personne n’avait réussi depuis l’Allemagne en 1936 : battre les deux géants continentaux, la Russie et les Etats-Unis. Les délégations firent leur apparitions, avec en tête les quatre athlètes, un peu esseulés, de l’équipe olympique d’Afghanistan. Certaines nations obtinrent un franc succès en défilant bras tendu, salut olympique peut-être, hommage au régime sûrement. Ainsi, c’est sous les vivats que l’Afrique Occidentale Francophone, l’Afrique Equatoriale Francophone, l’Allemagne, l’Argentine, la Biélorussie, la Croatie, l’Espagne, la Flandre, l’Italie, la Lettonie et quelques autres firent le tour du stade. Mais l’apparition de l’équipe de France suscita une explosion de joie : le drapeau français était tenu par la benjamine de l’équipe, Marie-Hermeline Vautrin, 15 ans ½, équipe olympique de gymnastique, le panneau « France » par le doyen, Pierre-Antoine Kerguizen, 44 ans, équipe olympique de tir… Les 80.000 spectateurs du Stade de France debout bras tendus saluèrent la délégation française. Dans la nuit d’août, sous la lumière des projecteurs, un cri gronda, résonna, explosa, repris par 80.000 poitrines : « AVE ! AVE ! ». Tout un peuple communiait avec son chef dans une fierté retrouvée. Un vent léger faisait danser les torches dans le stade illuminé et gonfler les chemises des jeunesses impériales. Le drapeau olympique et ceux de toutes les nations du globe claquaient à l’unisson, en compagnie de l’ancien drapeau tradilandais, devenu non seulement drapeau du Parti mais également celui du Saint-Empire.

Retour au Concorde Lafayette. Sous la lampe à la lumière feutrée par un abat-jour fuchsia, un journaliste du New York Times écrivait son reportage, un whisky et un cigare posé près de lui, à peine perturbé par le piano qui jouait Berlin Melody 1936 de Vladimir Cosma. Bien que muni d’un ordinateur portable, c’est à la plume, sur un bloc-notre blanc, qu’il écrivait ses impressions. Celle-ci glissait sur le papier, il était inspiré et n’avait pas à regarder le décor pour savoir que tout le ramenait justement à cette fameuse année 1936. « La guerre est inévitable. La France que nous avons sous les yeux n’est plus celle que nous aimions, la France métisse et cosmopolite, la France des Droits de l’Homme et de la Révolution de 1789. Nous voyons resurgir sous nos yeux une France, une Europe que nous espérions morte. Une France arrogante, qui vient nous défier, nous menacer sur notre propre territoire en soutenant ostensiblement les mouvements séditieux qui espèrent refaire dans les Etats du nord-ouest un horrible Tradiland américain. Cette jeunesse fait peur, avec son culte de la pureté, du travail, de l’abnégation, son refus du système des valeurs, de liberté, de démocratie qu’il est nécessaire de faire partager au monde entier. Le Saint-Empire a recolonisé l’Afrique, mis la main sur les formidables richesses de la Russie, nous a provoqués en dissolvant l’ONU par un retrait massif et en se retirant unilatéralement du GATT, du FMI et de la banque mondiale. Même l’embargo que nous avons fait contre l’Europe n’a rien donné. Il faut écraser le serpent dans son nid dès maintenant sinon, nous allons au devant d’une catastrophe. Comme nous avons libéré d’eux-mêmes l’Allemagne, le Japon, l’Irak, la Serbie et quelques autres états sans importance, nous devons libérer la France ». L’article fut lu et diversement commenté au Bunker Palace.
Dix autres années passèrent. Entre le Saint-Empire et les Etats-Unis, les tensions allaient crescendo. La moindre étincelle pouvait mettre le feu aux poudres et transformer la guerre froide en guerre chaude. Au Bunker-Palace, l’Imperator avait convoqué l’état-major interarmes. Il avait revêtu pour l’occasion son uniforme de Grand Amiral de la Flotte. A ses côtés, les maréchaux Dieuze, Pacq et Calmier sortaient de leurs dossiers leurs notes de synthèse. Dans l’assemblée, on remarquait les uniformes vert de gris de la Wehrmacht, mais aussi des armées italienne, espagnole, polonaise, russe, représentées chacune par les chefs d’état-major. « Messieurs, parlons peu mais bien. L’heure est venue d’en finir définitivement avec les Etats-Unis. Cette année, le 4 juillet tombe un vendredi, l’armée américaine sera en week-end prolongé et à effectifs réduits. L’occasion est unique pour lancer une frappe préventive dans l’antre du matérialisme. Notre cinquième colonne va neutraliser les radars et les relais satellites pendant deux heures, ce sera largement suffisant pour détruire un maximum de leur infrastructure. Profitant de leur désorganisation, nous envahirons les Etats-Unis par tous les côtés, notre réserve s’occupant du cas de la Grande-Bretagne. Nous estimons à six mois la durée de la campagne d’Amérique. Messieurs les officiers, chers Camarades, je lance le Plan Rouge ». 5 juillet, 3 heures du matin… « Torpedo… los !!! » Les trois torpilles du sous-marin allemand Heinrich Bleichrodt atteignirent leur but et frappèrent de plein fouet le porte-avions américain USS Independance. Panique dans les rues de New York, les gens fuyaient dans les rues en hurlant, cherchant un endroit où se cacher, se protéger de la pluie de verre et de ferraille tordue qui tombaient des orgueilleux buildings qui s’écroulaient les uns après les autres. Au large, les cuirassés lourds mixtes (canons et missiles) Richelieu, Jean Bart, Conte di Cavour, Tirpitz et Admiral Koltchak tiraient au canon de 480 sur la Babylone des temps modernes. A l’autre bout du pays, pleure, pleure San Francisco… Le Golden Gate, symbole de la ville californienne, repose au fond du détroit du même nom, détruit par l’aviation embarquée chinoise. En Alaska, un troupeau de rennes fuyait en bramant vers l’ouest, dérangé dans son habitude par des hélicoptères et des hovertanks peints aux couleurs de la Sainte Russie : la 11e armée russe avait franchi le détroit de Behring… Réveillé en sursaut, le Président des Etats-Unis ne pouvait que constater les dégâts : son pays était attaqué par l’ Alaska, par le Mexique, par la Floride, par le Québec… Paralysées par la destruction de ces centres vitaux de communication, les divisions de l’US Army prenaient du retard dans leur redéploiement vers les nouvelles zones de front. La Troisième Guerre Mondiale venait d’éclater…

3 Comments:

Blogger Enzo said...

Ce roman raconte la lutte entre deux conceptions différentes de la société et la plus performante gagne.

2:38 AM  
Blogger Enzo said...

Les troupes alliées sont déjà sur le continent américain. Avant le déclanchement de la guerre, elles sont stationnées au Quebec et au Mexique, états proches du Saint-Empire.

La destruction de la marine de guerre américaine est juste pour permettre le bombardement symboliques de certaines villes US

12:42 PM  
Anonymous rv said...

Bonjour je n'ai pas compris l'expression "se regarder en chien de fusil" ? concernant les 3 puissances adverses.
Se sont elles endormies ?

3:36 AM  

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