Friday, December 09, 2005

Chapitre 72 - Paris brûle-t-il ?

L’armée tradilandaise était prête pour l’offensive finale. L’étau qui enserrait Paris était maintenant totalement hermétique, à la grande satisfaction de l’Imperator qui regardait la carte d’Ile-de-France, surchargée de flèches de couleur, marquant l’évolution fulgurante des troupes de Tradiland qui avaient quitté leurs casernes deux mois plus tôt… Cinq divisions, 60.000 hommes, soutenus par une aviation embryonnaire mais efficace et une marine fluviale, avaient culbuté les milices mercenaires de l’armée archéo-française, ou du moins ce qu’il en restait.. L’avance devait être progressive : elle dépassa les espérances les plus folles d’un Imperator déjà naturellement optimiste après l’offensive du printemps qui avait amené à la libération du Forez, de la Savoie, du Comtat Venassin et du Dauphiné à l’exception de Grenoble assiégée… Dans le ciel, les MiG-31 et les Mirage-2000 des rebelles ne rencontrèrent aucune opposition. A croire que l’armée de l’air s’était volatilisée. L’offensive finale sur Paris commença le matin du 10 août. Les Parisiens virent des dizaines de corolles blanches descendre dans l’aube rose du petit matin : les parachutistes du 1er commando (les “ Bérets amarante ”) sautaient sur le Champ de Mars… Aux abords des ponts de la grande boucle de la Seine en banlieue ouest, le 2e commando (les “ Bérets verts ”) tenaient en respect avec leurs kalachnikovs made in China les prisonniers qu’ils avaient fait lors de la capture des points de passage, attendant de les remettre aux éléments avancés de la 2e division. Celle-ci avançait par à-coups, au fur et à mesure de la prise des ponts… Bientôt, dans les beaux quartiers de Paris encore préservés, la même scène se répéta des dizaines de fois : de jeunes militaires au béret noir (3e commando) accompagnait des hommes en gabardine de cuir noir (commissariat politique) qui, immeuble par immeuble, raflaient ceux qui figuraient sur la “ liste noire ” : acteurs, journalistes, politiciens, chanteurs, sportifs, avocats, banquiers, patrons, haut fonctionnaires… tous ceux qui avaient collaboré avec le régime archéo-français était immédiatement arrêtés et amenés au centre de détention provisoire du Parc des Princes…
Sur le parvis du Sacré Cœur, les “ bérets bleus ” du 4e commando regardaient Paris à la jumelle : de temps en temps, une explosion déchirait le ciel et les soldats pointaient du doigt la colonne de fumée naissante. Un sergent-chef, parisien de naissance, commentait : “ Là, ça doit être la Grande Mosquée qui brûle… L’Hôtel de ville est en flammes… L’Assemblée nationale et le Sénat aussi… Cet incendie près de l’Opéra : probablement le siège du Grand Orient… et à l’ouest, pas de doute, c’est Radio France qui a explosé ! ”. Une explosion très proche les fit vaciller : ils virent passer presque sous leurs yeux un Sukhoi-34. L’avion était si bas que l’on voyait distinctement l’insigne des forces aériennes biélorusses sommairement effacé et remplacé par une croix celtique noire peinte à la hâte… “ Ce n’est pas tombé loin ! ” hurla un soldat . Le sergent-chef hocha la tête : “ Ils doivent bombarder le boulevard Barbès ”.
Sur le Champ de Mars, l’arrivée d’une jeep fit s’envoler les pigeons. Des touristes japonais bloqués depuis la prise des aéroports de la capitale se faisaient filmer en compagnie des soldats qui relayaient les parachutistes. On entendaient des salves de douze fusils sans discontinuer depuis une heure. Dans la cour de l’Ecole Militaire, les officiers supérieurs accusés de collaboration étaient passés par les armes… Place de la République, un tir tendu de char Leclerc pulvérisa la statue de Marianne. Dans ce quartier très pluri-ethnique, la population était rapidement rentrée chez elle, un passage en rase-motte de deux hélicoptères pleins de mauvaises intentions dans leurs chargeurs ayant calmé toute velléité de résistance. La plupart des jeunes hommes avaient été incorporés dans les unités de défense de la ville de Paris (beaucoup d’ailleurs ne reviendront pas) et les quelques fatmas venus hurler des youyous haineux furent rapidement et définitivement calmées. Le 14 août, à 18 heures, les éléments avancés des cinq divisions firent leur jonction place du Carrousel. Puis, d’un coup, la totalité des églises de la capitale firent sonner leurs cloches, annonçant la prise de la ville. Des drapeaux tradilandais apparurent aux fenêtres et la population “ fêta ses libérateurs ” qui n’étaient pas dupes sur un “ retournement de veste ” rappelant les dignes heures d’août 1944… Mélange de fête et de tragédie, constata l’Imperator qui, l’Hôtel de Ville incendié, avait fixé son quartier général aux Invalides. L’armée maintenait l’ordre, et les soldats, fatigués par l’offensive, ne plaisantaient plus. Déployée autour des quartiers à forte connotation immigrée, la 4e division avait été obligée d’utiliser la force à plusieurs reprises… contre des “ résistants de la 25e heure ” voulant s’offrire une ratonnade maintenant que les puissants d’hier étaient devenus les parias d’aujourd’hui.
La nuit tombait sur Paris. Çà et là, des bals populaires fêtaient la libération : 5 divisions néo-françaises, avec leur intendance, cela faisait du monde ! Place Saint-Germain-des-Prés, on dansait devant la terrasse des Deux Magots où les officiers néo-français se désaltéraient. Les serveurs regardaient, ahuris, un pilote de chasse aux galons de commandant, visage taillé à la serpe et cheveux blonds, colosse de près de deux mètres, qui, frappant du poing sur la table, réclamait sa troisième bouteille de Smirnov avec un fort accent russe… Assise sur une chaise, Ludivine, maintenant âgée de dix ans, en uniforme de louvette de 1ère classe et longues nattes brunes, buvait du lait. Sa mère avait été affectée aux troupes de reconnaissance de la 1ère division qui avait libéré sa ville natale. Elle n’avait plus reconnu son quartier. D’ailleurs, on l’avait vite fait partir : il y avait des choses qu’elle ne devait pas apprendre… Heureusement qu’elle n’avait pas pu savoir ce qui était advenu de Vanessa, sa meilleure copine. Elle vit apparaître un garçon dans son champ de vision : uniforme des cadets de Tradiland, crème de l’élite de la jeunesse du Parti , croix de guerre à la poitrine. L’un de ces gamins d’une dizaine d’années qui s’étaient couverts d’héroïsme dans des opérations-commandos nécessitant petite taille, souplesse… et inconscience ! Il lui tendit la main : “ Voulez-vous m’accorder cette valse mademoiselle ”. Gravement, Ludivine se leva et se laissa guider. Ils tournoyèrent tout deux, jeunes et insouciants, ivres de joie, de vie, retrouvant leur enfance la guerre finie. Paris sera toujours Paris…

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